Judo : la France, pays de champion(ne)s
Le judoa été introduit en France au début du XXe siècle et s’est imposé comme l’un des sports les plus pratiqués et respectés. Sa véritable implantation commence avec Mikinosuke Kawaishi dans les années 1930. Ce maître japonais révolutionne l’enseignement du judo en instaurant le système des ceintures de couleur, rendant la progression plus accessible et motivante pour les élèves.
La France est aujourd’hui une nation majeure du judo mondial qui a produit de nombreux champions :
- Jean-Luc Rougé : il est le premier Français champion du monde en 1975.
- Angelo Parisi et Thierry Rey : Médaillés d’or aux Jeux Olympiques de Moscou en 1980.
- David Douillet : Double champion olympique et quadruple champion du monde.
- Teddy Riner : Onze fois champion du monde, triple champion olympique, une légende vivante du judo mondial.
- Clarisse Agbegnenou : Quintuple championne du monde, double championne olympique.
… et bien d’autres encore. La France est régulièrement représentée sur les podiums internationaux de judo, dans toutes les catégories d’âge et de poids.
Au-delà des médailles et des podiums, le judo s’impose également comme un véritable outil éducatif et social qui contribe à forger des citoyens responsables et respectueux des valeurs fondamentales de ce sport. Avec plus de 500 000 licenciés, il est le premier sport de combat en France.
Le Japon, pays du Judo
Jigoro Kano (1860-1938) est considéré comme le père fondateur du judo. Né dans une famille aisée au Japon, il grandit dans un contexte marqué par la fin de l’ère Edo et le début de l’ère Meiji, une période de profondes transformations politiques et sociales.
Jigoro Kano montre dès son plus jeune âge un vif intérêt pour les arts martiaux et en particulier pour le ju-jitsu, une discipline martiale ancienne basée sur la souplesse et l’utilisation optimale de l’énergie.
Cependant le ju-jitsu décline, souvent associé à une image de violence et de brutalité en contradiction avec les idéaux de modernité prônés par l’ère Meiji.
Convaincu du potentiel éducatif et moral du ju-jitsu, Jigoro Kano entreprend de moderniser cette discipline afin de la rendre plus accessible et plus adaptée à son époque. En 1882, il fonde le Kodokan à Tokyo, une école destinée à enseigner le judo, une version réformée et structurée du ju-jitsu.
Le judo de Jigoro Kano repose sur deux principes fondamentaux :
- Seiryoku Zenyo (精力善用) : L’utilisation optimale de l’énergie. Chaque action doit être réalisée avec efficacité et précision, en utilisant l’énergie de l’adversaire à son propre avantage.
- Jita Kyoei (è‡ªä»–å…±æ „) : La prospérité mutuelle. Le développement personnel ne peut être complet que s’il contribue au bien-être de la société tout entière.
Ces principes font du judo non seulement un art martial, mais aussi une méthode éducative complète, visant à renforcer le corps, l’esprit et les valeurs morales des pratiquants.
Après la disparition de Jigoro Kano en 1938, plusieurs figures emblématiques prennent le relais pour assurer la pérennité de son héritage et développer le judo au niveau mondial :
- Kyuzo Mifune (1883-1965) : Considéré comme l’un des plus grands techniciens de l’histoire du judo, il était célèbre pour sa maîtrise parfaite des techniques et sa capacité à contrer des adversaires beaucoup plus imposants que lui.
- Risei Kano (1900-1986) : Fils de Jigoro Kano, il joue un rôle crucial dans la promotion du judo sur la scène internationale. Il a notamment facilité son intégration aux Jeux Olympiques.
Grâce à ces figures et à de nombreux autres maîtres du Kodokan, le judo se développe bien au-delà des frontières du Japon et devient un sport mondial tout en conservant ses valeurs éducatives et philosophiques.
Le judo reste néanmoins le pays du judo, profondément enraciné dans la culture japonaise
- Dès le début du XXe siècle, le judo est intégré au programme scolaire japonais. Chaque enfant apprend non seulement les techniques du judo, mais également ses valeurs fondamentales comme le respect, la discipline et l’humilité.
- Les principes du judo sont en parfaite adéquation avec les valeurs fondamentales du Japon, telles que la discipline, le respect de l’autorité et l’importance du travail acharné.
- Le Kodokan de Tokyo est bien plus qu’une simple école de judo. C’est un véritable temple de l’art martial, un lieu de pèlerinage pour les judokas du monde entier et une institution où sont formés les plus grands maîtres.
- Pour le Japon, chaque victoire en compétition internationale est perçue comme une fierté nationale. Les champions olympiques et mondiaux de judo sont célébrés comme des héros, et leurs exploits sont souvent érigés en symboles de la persévérance et de la maîtrise de soi.
Le judo ne se limite pas à une pratique sportive au Japon ; il est profondément ancré dans les fondations sociales, culturelles et éducatives du pays. Chaque judoka japonais, qu’il soit débutant ou champion olympique, est considéré comme un ambassadeur des valeurs du judo.
L’essor du judo dans le monde
Le judo a su s’étendre au-delà de son berceau japonais pour devenir un sport mondial. De nombreux pays ont su s’approprier cette discipline pour développer une identité propre et contribuer à son rayonnement international.
La France : un modèle d’excellence
La France est aujourd’hui la deuxième nation mondiale du judo, derrière le Japon. Avec plus de 500 000 licenciés, le judo français est à la fois un sport de haut niveau et un outil pédagogique ancré dans les écoles et les clubs.
Le Brésil : la naissance du jiu-jitsu brésilien
Le judo a été introduit au Brésil au début du XXe siècle par des immigrants japonais. Mitsuyo Maeda, élève de Jigoro Kano a enseigné le judo et le ju-jitsu aux Brésiliens, posant ainsi les bases de ce qui deviendra le jiu-jitsu brésilien.
Le judo brésilien est mondialement reconnu, avec des champions tels que Rafaela Silva et Tiago Camilo et le pays est régulièrement présent sur les podiums internationaux.
La Russie : l’influence du sambo
Le judo est introduit en Russie dans les années 1910 par des experts japonais. Il devient rapidement populaire parmi les militaires et les forces de sécurité.
Dans les années 1920, les Russes développent leur propre discipline, le sambo, un art martial hybride qui combine des techniques de judo, de lutte gréco-romaine et de combat au sol.
Le judo reste cependant une discipline majeure et la Russie est aujourd’hui l’une des puissances mondiales du judo.
La Corée du Sud : une tradition martiale renouvelée
Introduit pendant la période de colonisation japonaise au début du XXe siècle, le judo s’est d’abord heurté à une forte résistance en Corée, perçu comme un symbole de l’occupation japonaise. Toutefois, après la Seconde Guerre mondiale, le judo s’intègre progressivement dans la culture sportive coréenne.
La Corée du Sud devient une puissance mondiale du judo dans les années 1980, avec des champions emblématiques comme Kim Jae-Bum et Jeon Ki-Young. Aujourd’hui, le judo coréen est reconnu pour son style agressif et dynamique.
Des pays comme la Mongolie et la Géorgie se sont également imposés comme des puissances montantes, grâce à une approche technique pointue et une forte tradition martiale.
Les États-Unis : une lente adoption
Le judo arrive aux États-Unis au début du XXe siècle, introduit par des immigrants japonais et des militaires américains ayant découvert cet art martial au Japon. Malgré cette introduction précoce, le judo reste longtemps marginal. Toutefois, grâce à des figures telles que Kayla Harrison, double médaillée d’or olympique, le judo commence progressivement à gagner en visibilité et en reconnaissance.
L’Afrique : un développement inégal
En Afrique, le développement du judo est plus contrasté. Dans certains pays comme le Maroc, l’Algérie ou la Tunisie, le judo est devenu un sport populaire avec des infrastructures solides et des programmes de formation efficaces.
Dans d’autres régions en revanche, le manque de ressources et d’infrastructures limite la pratique du judo à une élite urbaine.
Le judo, une philosophie morale
Bernard Midan, enseignant français passionné de judo et profondément attaché à ses valeurs fondamentales, a formalisé le code moral du judo en 1985. Ce code a été conçu pour rappeler que le judo n’est pas seulement une pratique sportive, mais également une école de vie. Au-delà des techniques et des compétitions, le code moral vise à transmettre des principes universels, applicables tant sur les tatamis que dans la vie quotidienne.
Bernard Midan considérait que chaque judoka, quel que soit son niveau ou son âge, devait intégrer ces valeurs à chaque instant : dans le dojo, à l’entraînement, lors des compétitions, mais aussi dans ses interactions avec les autres au quotidien.
Ces huit principes constituent un guide concret et universel qui accompagne chaque judoka sur les tatamis comme dans la vie quotidienne.
- Politesse (Rei) : Respecter autrui et les règles, adopter une attitude courtoise en toutes circonstances.
- Courage (Yuuki) : Affronter les défis avec détermination et persévérance, même face aux obstacles les plus intimidants.
- Sincérité (Makoto) : Être honnête envers soi-même et les autres, agir avec transparence et droiture.
- Honneur (Meiyo) : Rester fidèle à ses engagements et assumer ses responsabilités avec intégrité.
- Modestie (Kenkyo) : Rester humble dans la victoire comme dans la défaite, ne jamais sous-estimer ses adversaires.
- Respect (Sonkei) : Reconnaître la valeur d’autrui, qu’il s’agisse d’un partenaire, d’un adversaire ou d’un enseignant.
- Contrôle de soi (Jisei) : Garder son calme en toutes circonstances, gérer ses émotions pour éviter toute réaction impulsive.
- Amitié (Yuujo) : Créer des liens sincères et bienveillants avec ses partenaires et ses adversaires, construire une communauté solidaire autour du judo.
Le code moral du judo est régulièrement enseigné et rappelé par les professeurs dans les dojos. Chaque séance d’entraînement, chaque salut en début et en fin de cours, chaque interaction entre partenaires est une opportunité de mettre ces valeurs en pratique.
Les compétitions elles-mêmes sont un terrain d’application du code moral : la victoire ne doit jamais se faire au détriment du respect de l’adversaire, et la défaite doit être acceptée avec dignité.
Le code moral du judo rappelle que l’essence même du judo dépasse largement le cadre du sport. C’est un art de vivre, une philosophie profonde, et un guide pour tout judoka, quel que soit son rang ou son expérience.
D’un art martial à un sport de compétition
Le judo a progressivement évolué pour devenir un sport de compétition internationalement reconnu. Cette transformation s’est faite par étapes, marquées par des événements historiques, des figures emblématiques et une structuration progressive des règles.
Les origines compétitives au Japon : les premières compétitions internes au Kodokan
Les premières compétitions de judo voient le jour au Kodokan, l’école fondée par Jigoro Kano en 1882. Afin de tester l’efficacité des techniques et préparer les judokas à des situations réalistes, Jigoro Kano encourage l’organisation de shiai (combats amicaux) au sein du Kodokan.
Ces premiers affrontements sont marqués par :
- Une approche stricte de la sécurité des pratiquants.
- Une emphase sur la technique plutôt que sur la force brute.
- Une volonté de démontrer la supériorité du judo face au ju-jitsu traditionnel, souvent perçu comme trop violent.
Les règles initiales posées par Kano insistent sur l’objectif éducatif du judo : même dans un combat compétitif, le respect du partenaire et l’intégrité physique doivent primer.
La structuration des règles et formalisation du judo compétitif
Au début du XXe siècle, avec l’expansion rapide du judo au Japon, Kano comprend la nécessité d’établir des règles claires et universelles pour garantir l’équité et la sécurité des combats.
1926 : Formalisation des premières règles de compétition par le Kodokan.
1930 : Introduction de catégories de poids pour équilibrer les affrontements.
1940 : Première tentative d’intégrer le judo aux Jeux Olympiques de Tokyo, annulée en raison de la guerre.
L’intégration du judo aux Jeux Olympiques : un tournant historique
L’entrée officielle du judo aux Jeux Olympiques de Tokyo en 1964 marque une étape décisive dans son histoire. C’est la première fois qu’un art martial japonais devient un sport olympique.
Le Japon y démontre sa suprématie avec trois médailles d’or sur quatre possibles, et le monde découvre un sport alliant technique, stratégie et philosophie.
L’évolution du judo moderne : professionnalisation et médiatisation
Après son entrée aux Jeux Olympiques, le judo connaît une évolution rapide :
- Les judokas deviennent des athlètes à temps plein. Les compétitions internationales se multiplient.
- La diffusion télévisée des compétitions rend le sport plus accessible et attractif.
- L’apparition de nouvelles stratégies, comme les techniques au sol, transforme les approches traditionnelles.
Cette évolution du judo n’a cependant pas été exempte de débats : ainsi, certains experts estimaient que l’objectif de gagner des médailles éclipsait parfois les valeurs fondamentales du judo (Seiryoku Zenyo et Jita Kyoei).
Quoi qu’il en soit, le Kodokan reste le garant des valeurs traditionnelles, veillant à ce que le judo conserve son essence malgré les exigences de la compétition moderne.
Conclusion
Le judo a parcouru un long chemin, passant d’un art martial éducatif à un sport olympique mondialement reconnu. Malgré les défis et les tensions entre tradition et modernité, le judo continue d’incarner les principes établis par Jigoro Kano : une recherche constante de maîtrise de soi, de respect et d’efficacité.
Le judo est une philosophie de vie, un art martial et un sport olympique. Du Kodokan de Tokyo aux tatamis français, il continue de façonner les esprits, de transcender les frontières et de transmettre des valeurs universelles qui demeurent intemporelles.